31 aujourd’hui, les historiens parlent de traités inégaux pour qualifier les premiers traités passés avec les puissances occidentales. néanmoins, il faut relever que d’un point de vue du droit in- ternational ces traités n’étaient pas entièrement valides. ils étaient incomplets, car la signature de l’empereur n’y figurait pas. cette lacune n’était indiquée que par une discrète inscription en 3 kanji sur la version japonaise du traité (cf. p. 238; kari jōyaku, 仮条約, « traité provisoire »), signi- fiant conclu sans l’approbation de l’empereur. un traité est une grande aventure humaine qui soulève immanquablement un bon nombre de questions historiques et de droit internatio- nal. lindau est le premier à envoyer une juste analyse de la situation au conseil fédéral, les traités signés seraient en fait incomplets du point de vue des japonais, « à moitié » ratifiés : […] il paraîtrait que le mikado est prêt à ra- tifier les traités conclus par le taikun avec les étrangers, mais qu’il n’ose pas encore le faire de peur de soulever contre lui un puissant parti po- litique qui s’oppose à ce qu’il entre en relations avec les puissances occidentales. ce parti, hos- tile aux étrangers, s’affaiblit cependant de jour en jour et le mikado, en s’unissant au taikun, espère être bientôt assez fort pour lui imposer l’obéissance à ses ordres. les affaires restent ainsi dans l’ancien état de choses, c’est-à-dire les traités conclus par le taikun avec les puissances occidentales manquent encore de la ratification du mikado, qui seule peut donner, aux yeux des japonais, valeur légale à ces traités.22 le juriste et géographe genevois arthur de claparède23 formule la première analyse des spécificités de l’aventure diplomatique suisse au japon. il note en 1888 (p. 6) que « les plus anciens consulats suisses n’ont pas un siècle d’existence. les deux premiers furent créés en 1798 et 1799, brennwald, consul général de suisse au japon, et lui a en même temps confié le soin de faire ratifier le traité conclu entre le japon et la suisse par le mikado (souverain spirituel du japon). m. brennwald résidera à yokohama ». l’express, 17.02.1866, p. 4 (http: / / www.lexpressarchives.ch / ). 22 le consul de suisse à yokohama, r. lindau, au conseil fédéral, 31. 12. 1864. diplomatische dokumente der schweiz, bd. 1, nr. 520, pp. 1042–1043, e 2 / 1508. 23 arthur de claparède (1888), ibid., pp. 6, 12, 13. à bordeaux et à marseille. les besoins du com- merce nécessitèrent promptement l’établisse- ment d’autres postes consulaires, et bientôt il y en eut dans toutes les parties du monde. au- jourd’hui leur nombre est de cent-un, mais, sauf au japon, la suisse n’a aucun consulat dans les états hors de la chrétienté ». plus loin, il souligne (pp. 12–13) que « si la suisse n’a de consuls ni dans l’orient musulman, ni en chine, il n’en est heureusement pas de même au japon. la série des traités conclus avec le japon s’ouvre, à la date du 31 mars, 1854, par une convention prélimi- naire signée, au nom des états-unis, par le com- modore perry à laquelle succéda, en 1857, un traité formel qui ouvrit quelques ports japonais au commerce américain. d’autres puissances, à commencer par l’angleterre, ne tardèrent pas à signer des traités identiques avec le japon24 . remarquons, en passant, que la diplomatie commit alors une erreur assez étrange, et dont il n’y a guère de précédents dans l’histoire. on ne possédait, il y a une trentaine d’années, que fort peu de renseignements sur l’organisation du japon. on savait seulement qu’il y existait un régime féodal à la tête duquel se trouvaient, au dire des voyageurs, deux souverains, l’un tem- porel, le shogun, chef de l’etat; l’autre spirituel, le mikado, chef de la religion nationale. tous les traités furent conclus avec le shogun qui, dans les instruments diplomatiques, prit le titre chinois de taïcoun (grand seigneur) du japon et les gouvernements étrangers ne dou- tèrent pas un instant d’avoir traité avec le sou- verain du pays. il n’en était rien. le mikado était le seul empereur. le taïcoun n’était que le plus puissant des daïmios, princes féodaux, vassaux du mikado. il est vrai que depuis plus de deux cents ans le pouvoir appartenait aux shoguns, sortes de maires du palais, qui avaient réduit les mikados au rôle de rois fainéants, en ne leur laissant de la souveraineté que la qualité de chefs de la re- ligion. 24 usa (31.03.1854), angleterre (14.10.1854), russie (07.02.1855), hollande (30.01.1856), france (09.10.1858), portu- gal (03.08.1860), prusse (21.01.1861), suisse (06.02.1864), bel- gique (01.08.1866), italie (25.08.1866), danemark (12.01.1867), suède-norvège (11.01.1868), espagne (12.11.1868).